mercredi 20 mai 2020

Au pays de Rance – 2 – Le village de Troudouk

Au pays de Rance se trouvait un village qu'on appelait Troudouk. C'était une commune charmante au milieu d'une plaine toute plate où l'on avait planté trente éoliennes de 150 mètres. Les habitants, les Troudoukous, vivaient dans des maisons grises et carrés entourées de jardins ni grands ni petits.
Les Troudoukous menaient une vie calme et paisible. Ils étaient un peu particuliers et avaient deux passions : les Condeuses et les Ouafouafs. Les Condeuses étaient des machines à bruit qui leur servaient à tondre leur jardin tous les samedis. Les Ouafouafs étaient les maitres de leur maison. C'étaient eux qui mangeaient le mieux et qui avaient le droit de sortir tous les soirs les Troudoukous. En effet, il était formellement interdit aux Troudoukous de sortir sans Ouafouaf, sous peine d'être attaché à une pale d'éolienne jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Les Troudoukous n'aimaient pas deux choses : les Chochomistes et les Padchénous. Les Chochomistes vivaient loin dans une ville qu'on appelait Àpadetrovail. C'étaient des gens qui n'avait pas de Trovail et qui préféraient passer leur journée à boire du lait-fraise en écoutant de la musique baroque. Les Troudoukous détestaient les Chochomistes parce que les Troudoukous adoraient le Trovail. Tous les Troudoukous allaient chaque jour de la semaine au Trovail et fabriquaient des moufles pour Ouafouafs. À Troudouk, on disait d'eux : « Ha po de Trovail, ha pas bien ho hé ho hé ! Ha Chochomistes, ha pas gentils, ha nan nan nan ! ».
Une fois, un Chochomiste s'était perdu dans le village de Troudouk et il s'était fait lapider par les Troudoukous qui l'avaient mangé ensuite en brochette au poivron.
Les Padchénous quant à eux étaient des gens qui existaient au loin mais qu'on n'avait jamais vus à Troudouk. Certains habitants disaient qu'ils étaient de couleur rose, d'autres de couleur jaune, ce n'était pas clair. Ce qui était sûr, c'est qu'on n'aimait pas les Padchénous. Un célèbre proverbe Troudoukou disait d'ailleurs : « Ha Padchénous, ha pas chez nous ! ».
Un jour, le Père Michou mourut renversé par une Condeuse qui avait fait une sortie de route. Le Père Michou était le curé de Troudouk. Les Troudoukous étaient très croyants. Ils vénéraient un Dieu appelé Résus, qui était le dieu des Ouafouafs et dont le miracle avait consisté à faire cuire des coquillettes pour enfants.
La mort du Père Michou bouleversa le village de Troudouk. Les gens n'avaient même plus envie de passer la Condeuse le samedi et les Ouafouafs entamèrent une grève de la crotte.
Heureusement, le président de la Rance, Mama, envoya un nouveau prêtre : le Père Milou. Mais quelle ne fut pas la surprise des Troudoukous lorsque celui-ci arriva ! Le Père Milou était vert ! C'était-y pas un Padchénou par hasard ? Dans le village, les rumeurs allaient bon train : « Ha vert, ha beurk birk bark ! » disait l'un. « Ha Padchénou Milou dis donc ! » disait l'autre. « Ouafouaf, ouafouaf, ouafouaf » disaient les Ouafouafs.
Le Père Milou restait dans son église sans rien faire. On ne lui avait même pas donné un Ouafouaf pour sortir. Le temps passait, suspendu comme une pince à linge.
Puis, un jour de printemps, le Père Milou sortit dans la rue tout seul avec une drôle de machine qui faisait du bruit et qui déversait une sérénade étrange. Un air doux et apaisant, une musique enchantée.
Les gens se mirent à leur fenêtre, envoutés, intrigués, mais curieux. La mélodie s'élevait dans les airs. C'était beau, c'était chouette, on aurait dit une fête. Le Père Milou traversa toutes les rues en chantant : « A y est la Java verte, la Java y a plus belle-heu, la la la la, la la la la la la ! ». Puis il refit le chemin en sens inverse en déposant des casseroles de coquillettes devant chaque maison. Le miracle de Résus se reproduisait encore ! Et encore et encore ! Les Troudoukous sortirent tous de chez eux, unis, heureux, joyeux et sans leur Ouafouaf. Ils s'assemblèrent et dégustèrent les coquillettes dans un esprit de grande fraternité. C'était un merveilleux moment magique dans le village de Troudouk.
Tout le monde était heureux, tout le monde était croyant. Il y avait quelque chose de joli dans le pays de Rance.


@saucissepoulet